Pourquoi crions-nous lorsque nous sommes en colère?
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les gens crient les uns sur les autres lorsqu’ils sont en colère ?
Voici une belle histoire pleine de sagesse qui offre matière à réflexion !
» Un sage indou qui est en visite au Gange pour prendre un bain remarque un groupe de personnes criant de colère les uns après les autres. Il se tourne vers ses disciples, sourit et demande :
– Savez-vous pourquoi les gens crient les uns sur les autres lorsqu’ils sont en colère ?
Les disciples y pensent pendant un moment et l’un d’eux dit :
– C’est parce que nous perdons notre calme que nous crions.
– Mais pourquoi criez-vous quand l’autre personne est juste à côté de vous ?, demande le sage. Pourriez-vous, tout aussi bien, lui dire ce que vous avez à dire d’une manière plus douce ?
Comme aucune des réponses des disciples n’est suffisamment satisfaisante pour le sage, il explique :
– Quand deux personnes sont en colère l’une contre l’autre, leurs cœurs sont séparés par une grande distance. Pour couvrir cette distance, ils doivent crier, car sinon ils sont incapables de s’entendre l’un et l’autre. Plus ils sont en colère et plus ils auront besoin de crier fort pour s’entendre l’un et l’autre pour arriver à couvrir cette grande distance.
– Qu’est-ce qui se passe lorsque deux personnes tombent en amour ? Ils ne crient pas à l’autre, mais ils se parlent doucement parce que leurs cœurs sont très proches. La distance entre eux est soit inexistante, soit très faible.
Le sage continue…
– Quand ils s’aiment encore plus, que se produit-il ? Ils ne se parlent pas, ils chuchotent et obtiennent encore plus de proximité et plus d’amour. Enfin vient un moment où ils n’ont même plus besoin de chuchoter, ils se regardent seulement l’un et l’autre et se comprennent.
Puis il regarde ses disciples et leur dit :
– Ainsi quand vous discutez les uns avec les autres ne laissez pas vos cœurs s’éloigner. Ne dites pas les mots qui vous éloignent davantage, ou bien viendra un jour où la distance sera si grande que vous ne trouverez pas le chemin du retour… «
Qu’en pensez-vous?
C’est déjà si important d’identifier cette colère sourde qui jaillit parfois comme un vomi, c’est si important de comprendre qu’il ne s’agit que d’une pensée, juste une soumission de l’ego à des valeurs insignifiantes, des appartenances, des influences qui se camouflent sous les certitudes personnelles, des intrusions forcenées qu’on finit par aimer parce qu’elles nous donnent forme, « je suis celui qui pense ça », toujours ce désir d’exister extérieurement, à travers les rencontres et souvent les confrontations. Cette haine qui n’est pas nous et qui nous submerge, il faut la cerner, l’encercler de notre lucidité, lui dire clairement ce qu’on pense d’elle:
« Tu n’es qu’une pensée et je peux t’effacer. Je ne suis pas toi. Tu n’es qu’un flot d’interférences issues de ce monde dans lequel je vis. Je peux te laisser un peu de place, occasionnellement mais ne crois pas que tu vas t’ancrer. La prochaine marée de silence t’emportera. »
Et le Soi reprendra sa place.
Swami Prajnanpad écrivait: « La plaque photographique prend, le miroir accueille mais ne prend pas. »
Les évènements produisent des émotions et des interprétations (par le mental). C’est plus ou moins intense selon notre état d’esprit du moment mais également en fonction de tout ce que l’on transporte.
Avec le lâcher-prise, l’évènement se présente mais la réaction mécanique ne se produit plus. Les émotions font place à une acceptation. Ca n’est pas une attitude béate et niaise mais un travail, une gestion de l’être. Si malgré tout l’émotion l’emporte, il s’agit de comprendre ce qui la génère. Il ne s’agit pas de l’ignorer mais de la décortiquer. C’est un travail sur soi, une introspection parfois redoutable. Les aspects émotionnels, mentaux, psychologiques sont interconnectés mais cet effort de lâcher-prise va s’opposer à l’habitude de colère, à cet embrasement irraisonné face aux évènements. Attention, ça ne veut pas dire que je ne vais pas intervenir dans la rue si je vois une femme se faire agresser. Là, je rentre dans le tas et je laisse échapper ma colère parce que c’est ce qui est le plus adapté à mon sens sur l’instant. Après les coups, on parlera si c’est possible. La personne agressée a juste besoin que tout s’arrête, là, maintenant.
Pour ce qui nous concerne uniquement et qui n’implique pas une action urgente, il s’agit de de savoir comment nous nous situons par rapport à ces émotions physiques, émotionnelles et mentales. Ca n’a l’air de rien comme ça mais ça réclame en fait une lucidité constante dont nous n’avons pas réellement l’habitude. Comme si nous étions face à un miroir, un miroir de l’âme.
Mon désespoir, ma colère, ma déprime face aux conditions de vie ne va en rien changer ces évènements, quelqu’ils soient. C’est mon abandon à une interprétation qui m’entraîne dans un problème supplémentaire. Plus il va y avoir une perte de contrôle à travers un flot d’émotions et moins ma réponse au problème sera appropriée. Mais l’ego y puise son identification. Finalement il peut se regarder et prendre forme dans l’émotion et c’est ce qu’il cherche. Le lâcher-prise est au contraire une distanciation avec l’ego. Les choses sont ce qu’elles sont et mes émotions n’ont rien à y faire.
J’ai pu à diverses reprises constater de l’intérêt de la chose dans des situations où je risquais ma peau. La pierre qui me tombe dessus, c’est ma lucidité qui me permettra de l’éviter et pas ma peur. Si je m’imagine mort, si je vois le vide dans mon dos, le gouffre où la pierre va m’entraîner, si j’imagine mon corps qui éclate sur les rochers etc…je me perds. Et j’y perds la vie. Le lâcher-prise consiste alors à ne pas juger de cet avenir, des conséquences ou de me laisser submerger par ce flot d’émotions mais à trouver dans l’instant LA solution.
Swami Prajnanpad disait: « Dans la vie nous nous trouvons dans la situation de quelqu’un qui descend un torrent en kayak. Pour celui qui est crispé et angoissé, cette descente va être un véritable enfer, une épreuve redoutable. En revanche, celui qui va avec le courant de manière détendue accomplit la même descente avec sérénité et aborde les difficultés avec souplesse. Il reste maître de son potentiel. »
Nous ne pouvons pas toujours être les plus forts, nos actions produisent ou ne produisent pas les effets souhaités, les interactions de causes et d’effets sont indépendantes de nous et interfèrent avec ce que nous avons tenté pour renforcer le succès de nos actions. Cette séparation du moi avec le courant de la réalité se révèle comme le plus gros obstacle à la « présence ». Si je ne lâche pas prise, je suis emporté par les événements. Si je lâche prise, j’adhère à ces événements, dans une unité de corps et d’esprit. Cette acceptation est à la source de la « présence à soi-même ». Le vide intérieur est en fait une absence d’émotions quand elles ne sont qu’un maelstrom agité. Une fois ce vide émotionnel préservé, les paroles seront justes. Quant aux paroles colériques, elles ne sont que les graines des regrets…